Bayrou face à la tempête après ses annonces budgétaires

Soutenu par l’Élysée, François Bayrou déclenche une levée de boucliers politique et syndicale après avoir dévoilé un plan d’austérité inédit pour 2026.

Le pari risqué de François Bayrou : rigueur, sacrifices et symboles brisés

En dévoilant mardi son plan d’économies pour le budget 2026, le Premier ministre a opté pour une mesure radicale : une « année blanche ». Aucun revalorisation des prestations sociales, aucune hausse des pensions, aucune dépense nouvelle. Objectif affiché : ramener le déficit à 4,6 % du PIB, contre 5,8 % attendus en 2024. François Bayrou a également repris la vieille règle du « non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite », jadis symbole du sarkozysme, pour l’appliquer dès l’an prochain. Une rigueur budgétaire assumée, sans précaution oratoire.

Dans la même logique de productivité accrue, le chef du gouvernement a proposé de supprimer deux jours fériés : le lundi de Pâques, qualifié de « sans signification religieuse », et le 8-Mai, pourtant jour d’armistice et de mémoire nationale. « Le mois de mai est devenu un gruyère », a-t-il martelé, pointant les multiples ponts comme autant de freins à la compétitivité. Une proposition explosive, qui heurte à la fois le calendrier social et la mémoire collective.

Bayrou joue ici une partition solitaire et audacieuse. Conscient de l’impopularité de ces mesures, il tente de se placer dans l’histoire des réformes courageuses, quitte à rompre avec certains totems politiques et syndicaux. En homme d’État, il semble vouloir inscrire son passage à Matignon dans une logique de sursaut budgétaire, quitte à bousculer le statu quo. Mais cette stratégie a un prix : elle fracture d’emblée le dialogue social et politique.

Une opposition en ordre de bataille : du rejet ferme aux menaces de censure

Du Parti socialiste à La France insoumise, les réactions ne se sont pas fait attendre. François Ruffin (LFI) parle d’une « année noire », quand Arthur Delaporte (PS) évoque sans détour la perspective d’une motion de censure. Les mesures, jugées « injustes » et « brutales », cristallisent l’opposition des forces progressistes, qui dénoncent une attaque contre les plus fragiles sous couvert de rationalisation budgétaire.

À l’extrême droite, le Rassemblement national ne se prive pas non plus de fustiger ce plan. Marine Le Pen a été claire : si François Bayrou « ne revoit pas sa copie », une censure sera déposée. Le RN, soucieux de capitaliser sur l’impopularité du plan, se pose en défenseur des salariés et des retraités. La stratégie est claire : apparaître comme l’alternative de gouvernement tout en contestant frontalement la méthode Bayrou.

Du côté syndical, la CGT a été la première à monter au front. Sa secrétaire générale, Sophie Binet, a dénoncé un « projet de régression sociale », pire encore que celui de Michel Barnier, censuré l’an dernier. « Travailler plus pour gagner moins » : tel est, selon elle, le véritable message du gouvernement. Elle appelle à une large mobilisation, plaçant la rentrée sociale sous le signe du bras de fer.

L’Élysée en soutien prudent, la droite modérée en vigilance

En Conseil des ministres mercredi, Emmanuel Macron a tenu à apporter son soutien au chef du gouvernement. Le président a salué « la vertu du courage, de l’audace et de la lucidité » du plan, selon sa porte-parole, Sophie Primas. Il a aussi rappelé que « le nerf de notre nation, c’est la croissance », une manière d’inscrire ces mesures dans une perspective d’intérêt général et de compétitivité.

Laurent Wauquiez, président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée, a salué la volonté de réforme de François Bayrou, tout en alertant sur le déséquilibre du plan. Trop d’impôts, trop de pression sur les actifs, pas assez de baisses de dépenses structurelles : selon lui, le gouvernement doit « corriger et améliorer » sa copie. Ce soutien critique pourrait s’avérer décisif dans l’équation parlementaire.

Malgré les critiques nourries, François Bayrou n’a pas plié. En assumant une stratégie de choc, il se prépare à affronter l’orage parlementaire et social. Sa position, validée par l’Élysée mais contestée de toutes parts, révèle un paradoxe : jamais le besoin de réforme n’a été aussi urgent, et jamais la capacité à réformer n’a paru aussi incertaine. L’été s’annonce brûlant pour Matignon, entre remaniement possible et bras de fer institutionnel.



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