Consommation précoce de cannabis : un risque accru de chômage à l’âge adulte ?

L’âge du premier joint peut-il influencer la trajectoire professionnelle d’un individu ? C’est la question qu’ont voulu éclairer des chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Université, alors que les études se multiplient sur les effets du cannabis sur le développement cérébral des adolescents et leurs résultats scolaires. Leur dernier travail, mené au sein de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique, apporte des éléments solides sur les conséquences d’une initiation trop précoce.

Un sujet sensible dans un pays où les jeunes consomment beaucoup

La France reste l’un des pays européens où l’usage du cannabis chez les adolescents est le plus élevé. Selon Santé publique France, 39 % des jeunes de 17 ans ont déjà expérimenté le cannabis, et l’âge moyen du premier joint se situe autour de 15 ans. Dans ce contexte, comprendre les effets à long terme de ces consommations est devenu un enjeu de santé publique.

Les chercheurs se sont concentrés sur un point précis : l’impact potentiel de l’âge de première consommation sur les difficultés professionnelles rencontrées à l’âge adulte.

Une étude menée sur plus de dix ans

L’analyse repose sur la cohorte Tempo, un projet de recherche de l’Inserm dont les données couvrent la période 2009-2018. Plus de 1 500 participants, âgés de 22 à 35 ans en 2009, ont été suivis. L’équipe a distingué :

  • les consommateurs précoces, ayant fumé leur premier joint avant 16 ans,

  • les consommateurs tardifs, dont l’expérimentation est survenue après 16 ans.

Les chercheurs ont ensuite neutralisé des variables pouvant influencer la trajectoire professionnelle : situation familiale, contexte social, difficultés scolaires dans l’enfance ou l’adolescence. L’objectif était d’isoler, autant que possible, l’effet propre de l’âge de la première consommation.

Un lien clair entre usage précoce et insertion professionnelle difficile

Les résultats, publiés dans la revue Drug and Alcohol Dependence, montrent qu’une initiation précoce est associée à un risque nettement plus élevé de chômage à l’âge adulte.

Par rapport aux non-consommateurs, les consommateurs précoces présentent :

  • deux fois plus de risques de traverser une période de chômage,

  • trois fois plus de risques de connaître des épisodes de chômage répétés.

Les consommateurs tardifs, eux, ont :

  • 39 % de probabilité supplémentaire d’être confrontés à une période de chômage,

  • deux fois plus de risques de vivre des épisodes récurrents que les non-consommateurs.

Enfin, les consommateurs précoces ont une probabilité 92 % plus élevée de connaître des épisodes de chômage répétés que ceux ayant expérimenté après 16 ans.

Le cannabis précoce, un marqueur de risque social

Pour Maria Melchior, directrice de recherche Inserm et dernière auteure de l’étude, la consommation de cannabis avant 16 ans peut être considérée comme un marqueur de risque de chômage. Elle insiste sur la nécessité de retarder au maximum l’âge d’expérimentation, estimant qu’il devrait s’agir d’une priorité des politiques publiques.

Ces résultats n’établissent pas une causalité directe, mais montrent une association suffisamment robuste pour alimenter les politiques de prévention auprès des jeunes.

Un enjeu majeur pour les politiques de prévention

Alors que l’usage du cannabis reste élevé chez les adolescents malgré un cadre légal strict, cette étude souligne que ses effets peuvent peser durablement sur l’avenir professionnel des jeunes adultes. Retarder la première expérimentation apparaît comme une piste essentielle pour réduire les vulnérabilités futures, tant sur le plan sanitaire que socio-économique.

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