Loi Duplomb : une pétition historique pour son abrogation

Plus d’un million de Français demandent le retrait de la loi autorisant l’acétamipride, jugée nocive et adoptée sans débat parlementaire.
Une contestation citoyenne sans précédent

Votée le 8 juillet 2025 à l’Assemblée nationale sans débat préalable, la loi Duplomb autorise la réintroduction de l’acétamipride, un néonicotinoïde classé comme « tueur d’abeilles » par ses opposants. Ce retour, même temporaire et encadré, choque une partie de la société civile. La rapidité de la procédure parlementaire, perçue comme opaque et autoritaire, a renforcé le sentiment d’exclusion démocratique de nombreux citoyens.

La pétition lancée contre cette loi a dépassé 1,2 million de signatures en à peine deux semaines, un record sur le site de l’Assemblée nationale. À l’initiative de la jeune ingénieure Eléonore Pattery, ce texte a circulé rapidement sur les réseaux sociaux, relayé par des influenceurs, militants écologistes, ONG, mais aussi de simples citoyens. Ce succès traduit une convergence de colères autour d’une mesure perçue comme une régression écologique.

De nombreux signataires expriment leur besoin d’agir face à une classe politique jugée sourde aux enjeux environnementaux. Justine, jeune diplômée, évoque « une loi qui passe sans débat, comme si de rien n’était ». Pour ces citoyens, signer une pétition est devenu un ultime recours, parfois désabusé, pour faire entendre leur voix. Leur engagement n’est pas naïf : ils savent que la pétition ne garantit rien, mais refusent l’inaction.

Un malaise croissant autour du modèle agricole français

La loi Duplomb vise avant tout à « sauver » deux cultures en difficulté : la betterave sucrière et la noisette. Environ 22 000 producteurs de betteraves et 300 à 350 exploitants de noisettes sont concernés. Face aux impasses agronomiques, notamment les attaques de pucerons ou de parasites, ces filières réclament des dérogations pour éviter l’effondrement. Mais ce recours à un insecticide très controversé pose question sur les choix technologiques opérés pour préserver la rentabilité à court terme.

Les partisans de la loi invoquent un impératif économique. La filière betteravière pèse près de 9 milliards d’euros et emploie des dizaines de milliers de personnes. Selon ses défenseurs, sans acétamipride, la survie même de certaines exploitations serait compromise. Mais pour les opposants, cette logique productiviste ne tient plus : elle retarde les transitions agricoles nécessaires et perpétue une dépendance aux intrants chimiques.

Au-delà du cas précis de l’acétamipride, la contestation met en lumière un débat plus large : celui de l’avenir du modèle agricole français. Joachim, salarié du secteur associatif, interroge : « Peut-on continuer à produire ainsi, dans un système intensif, dépendant des pesticides ? » Cette question, pourtant centrale, est évacuée des débats parlementaires. Elle ressurgit avec d’autant plus de force à travers cette mobilisation citoyenne.

Une pression sur les institutions, sans garanties concrètes

Avec plus d’un million de signataires, la pétition a franchi le seuil pour déclencher un débat public à l’Assemblée nationale à la rentrée. Toutefois, ce débat sera purement consultatif : il n’engagera ni amendement ni abrogation automatique. Cette limite légale entretient le scepticisme des opposants, qui craignent que leur mobilisation soit reléguée à un simple exercice d’écoute symbolique.

La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a affirmé qu’il n’était pas prévu de revenir sur la loi. Cependant, le président de la République, Emmanuel Macron, dispose d’une marge de manœuvre : il peut retarder sa promulgation ou demander une seconde délibération. Pour l’heure, l’Élysée reste muet. Beaucoup d’opposants, comme Laurent, informaticien, espèrent un geste politique, même improbable.

« Qu’on nous écoute un peu ! », résume un manifestant. Derrière la contestation écologique se profile une fatigue démocratique : celle d’une société civile qui se sent ignorée, malgré ses efforts pour agir dans le cadre légal. Si cette pétition ne débouche pas sur un infléchissement législatif, elle aura au moins mis en lumière une fracture croissante entre les citoyens et leurs représentants, sur fond de défi climatique et de crise de confiance institutionnelle.



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