Instabilité politique : quand la crise au sommet fait vaciller l’économie française

La démission surprise de Sébastien Lecornu, lundi 6 octobre, n’a pas seulement provoqué un séisme politique : elle a aussi ébranlé la confiance des marchés financiers. En quelques heures, la bourse de Paris a chuté, les taux d’intérêt ont grimpé et les investisseurs s’inquiètent désormais d’une nouvelle dégradation de la note de la France. Une instabilité politique qui, une fois encore, se traduit par un coût économique bien réel.

La bourse de Paris en chute libre

Dès l’annonce du départ du Premier ministre, le CAC 40 a plongé de près de 2 %, quand les autres places européennes, à Londres et à Francfort, restaient stables. L’indice phare de la bourse de Paris a terminé la journée en repli de 1,5 %, illustrant la nervosité des investisseurs.

Les valeurs les plus touchées sont celles dont l’activité dépend directement du marché français. Les groupes immobiliers Nexity et Kaufman & Broad, ou encore les majors du BTP comme Eiffage et Vinci, ont vu leurs cours reculer nettement. Les opérateurs anticipent en effet un gel de nombreux contrats publics dans l’attente d’un nouveau gouvernement, ce qui pèse sur leurs perspectives à court terme.

Les banques ont également souffert. La Société Générale a perdu 3,95 %, BNP Paribas 3,18 % et le Crédit Agricole 3,19 %. Ces établissements, déjà confrontés à la remontée des taux d’intérêt, sont en première ligne face à l’incertitude économique : la fragilisation de la demande, le recul de l’investissement et la hausse des défauts de paiement des ménages et des entreprises sont autant de risques à gérer.

Si leurs résultats restent solides, cette volatilité boursière traduit une inquiétude plus profonde : celle d’un pays dont la gouvernance apparaît bloquée et dont les perspectives budgétaires s’assombrissent.

Taux d’intérêt en hausse et dette sous pression

La défiance s’est également propagée au marché obligataire. Lundi, la prime de risque sur la dette française à dix ans – l’écart entre le taux français et le taux allemand, appelé « spread » – a atteint plus de 88 points de base, son plus haut niveau depuis janvier.

Le taux d’emprunt à dix ans de la France a bondi à 3,61 %, dépassant pour la première fois celui de l’Italie, historiquement considérée comme plus risquée (3,57 % à 3,58 %). Ce renversement de perception traduit un signal clair : les investisseurs jugent la France politiquement instable et budgétairement vulnérable.

Concrètement, chaque hausse des taux d’intérêt renchérit le coût de financement de la dette publique, qui représente déjà 116 % du produit intérieur brut. Les intérêts à verser frôlent désormais les 50 milliards d’euros par an – l’équivalent du budget annuel de l’Éducation nationale.

Le spectre d’une nouvelle dégradation

Cette perte de confiance pourrait être aggravée par les agences de notation. En septembre, Fitch avait déjà abaissé la note de la France à A+, invoquant des « incertitudes politiques et sociales susceptibles d’entraver les réformes ». Les agences Moody’s et S&P se prononceront respectivement les 24 octobre et 28 novembre. Dans le contexte actuel, il paraît difficile d’imaginer qu’elles maintiennent leur évaluation.

Une nouvelle dégradation aurait des effets en chaîne : hausse du coût de la dette, baisse de la crédibilité du pays sur les marchés, renchérissement des crédits pour les entreprises et les ménages. En somme, chaque crise politique a un prix, et celui-ci se mesure désormais en points de PIB.

Une confiance économique fragilisée

Les effets de cette instabilité dépassent le seul cadre financier. Le gel des décisions publiques retarde les investissements, freine la commande de l’État et entretient un climat d’attentisme. Les entreprises repoussent leurs projets, les ménages diffèrent leurs achats immobiliers et la consommation s’essouffle.

Dans un contexte où la croissance française est déjà faible et où les marges de manœuvre budgétaires sont limitées, cette perte de confiance pourrait peser lourdement sur l’économie en 2025.

Les économistes s’accordent : si la crise institutionnelle devait se prolonger ou déboucher sur de nouvelles élections, la France pourrait voir sa croissance tomber sous 1 % l’an prochain, tandis que le déficit public resterait bloqué autour de 5,5 % du PIB.

L’instabilité politique, souvent perçue comme un débat d’appareils, se transforme donc en véritable risque macroéconomique. Entre bourse en repli, taux d’intérêt sous tension et dette qui s’alourdit, c’est la crédibilité financière du pays qui se joue. Pour retrouver la confiance des marchés – et celle des Français – il faudra désormais plus qu’un nouveau gouvernement : il faudra une vision claire, stable et durable de la politique économique du pays.

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