Produits américains boudés : les Français prêts à consommer plus local ?

Les tensions commerciales entre les États-Unis et l’Europe n’ont pas encore transformé les habitudes de consommation des Français. Mais certains y voient l’opportunité de repenser nos choix d’achats, en faveur du made in France.

Les différends douaniers entre Washington et Bruxelles, qui ont vu les États-Unis imposer des droits de douane supplémentaires sur certains produits européens — provisoirement ramenés à 10 % jusqu’au 9 juillet — ont fait naître un débat bien français : et si ces tensions étaient l’occasion de consommer autrement ? De privilégier les jeans tricolores aux Levi’s, le Breizh Cola au Coca ? Pour l’instant, le basculement ne s’est pas produit, mais les acteurs du made in France y voient un moment propice à une prise de conscience.

Le made in France : toujours ultra minoritaire

Dans les faits, la part des produits fabriqués en France reste encore marginale dans de nombreux secteurs. C’est le cas du textile. Chaque année, les Français achètent environ 67 millions de jeans. Sur ce total, seuls 100 000 sont confectionnés sur le territoire national. L’entreprise drômoise 1083, pionnière du denim made in France, en produit à elle seule la moitié.

Mais malgré la montée des tensions économiques transatlantiques, Thomas Huriez, fondateur de 1083, ne note aucun effet immédiat sur ses ventes. « Il n’y a pas de réaction particulière des consommateurs face à la politique douanière des États-Unis », explique-t-il. L’une des raisons ? Les jeans américains, comme ceux de la marque Levi’s, sont rarement fabriqués sur le sol américain. « Ils viennent de Chine, du Bangladesh, de Thaïlande… donc ils ne sont pas concernés par les droits de douane visés par les négociations actuelles. »

Autrement dit, aucune hausse des prix sur ces produits iconiques, et donc, aucune incitation économique directe pour les consommateurs à se tourner vers des alternatives françaises.

Les sodas régionaux en embuscade

Même constat dans les rayons boissons. À Roc-Saint-André, dans le Morbihan, la brasserie Lancelot, qui produit le Breizh Cola depuis 2002, observe avec attention l’évolution de la situation. Mais jusqu’à présent, le Coca-Cola reste dominant. « Nous ne constatons pas de bascule soudaine en notre faveur », confie la direction, non sans rappeler dans un clin d’œil que Breizh Cola reste « le cola du Phare Ouest ».

Sur le marché des boissons sans alcool en France — estimé à 2 milliards d’euros par an, hors eau — les sodas régionaux ne pèsent que 2 % des ventes. Breizh Cola en détient la moitié. Néanmoins, l’entreprise note que le climat économique et géopolitique pourrait stimuler l’émergence de nouveaux concurrents locaux. C’est déjà le cas : Meuh Cola en Normandie, Mad Cola dans les Vosges, Lorraine Cola, Fada Cola à Marseille, Corsica Cola ou encore Oléron Cola participent à cette dynamique.

Une prise de conscience à encourager

Même si les consommateurs ne se précipitent pas encore sur les produits français, certains voient dans la situation actuelle une opportunité pour accélérer un changement de paradigme. Thomas Huriez le formule clairement : « C’est peut-être le bon moment pour prendre conscience de notre dépendance commerciale. »

Il estime même que porter la part de vêtements français vendus sur le marché hexagonal de 3 % à 10 ou 15 % serait réaliste, à condition d’encourager les entrepreneurs à se concentrer davantage sur la demande intérieure plutôt que sur les marchés d’exportation.

Pour Élodie Lapierre, présidente de la plateforme Marques de France, le moment est particulièrement favorable à une évolution des mentalités : « On sent qu’une partie des Français aspire déjà à consommer plus durable, plus local. C’est donc maintenant qu’il faut leur adresser un message clair : achetez français. »

Un potentiel à concrétiser

Pour autant, le chemin reste long avant que le made in France devienne une véritable alternative de masse. Le surcoût lié à la production locale, la domination des grandes marques mondiales dans l’imaginaire collectif, et l’absence de mesures incitatives fortes limitent encore son essor. Mais si les tensions commerciales internationales peuvent susciter un « électrochoc », elles pourraient aussi servir de tremplin à une relocalisation de certains achats.

Pas de boycott massif, pas d’effet immédiat sur les ventes locales, mais une graine plantée dans l’esprit des consommateurs. Le made in France, jusqu’ici marginal, pourrait tirer parti de la conjoncture pour gagner du terrain — à condition que les pouvoirs publics, les entreprises et les citoyens s’accordent sur l’idée que consommer local, c’est aussi un acte stratégique.

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